PATRICK SALEZ et le fonctionnement actuel de la CDC de l’île de Ré

Article de Patrick Salez publié dans Ile2ré.info sur le fonctionnement actuel de la Communauté de Communes (CDC) avec quelques propositions pour le mandat 2020/2026

La CdC de l’île de Ré : et si nous prenions un nouveau départ ?

  1. La CdC, un échelon puissant

Les réformes territoriales successives ont transféré de plus en plus de compétences aux Communautés de Communes (CdC).

Sur l’île de Ré, ces compétences sont larges : aménagement de l’espace, développement économique, gestion des milieux aquatiques, prévention des risques d’inondation, logement, protection de l’environnement, gestion des déchets, voirie et, depuis janvier 2020, eau et assainissement.

C’est à cette échelle, celle du bassin de vie, que se mettent en place des projets structurants. Associée à un budget confortable (dont une partie non négligeable provient de « l’écotaxe »), cette multiplicité de compétences confère à la CdC une puissance considérable de mise en œuvre de politiques publiques et de grands projets.

  1. II) La CdC, un échelon quasi-illisible

Les réformes territoriales ne se sont pas accompagnées d’une réforme du mode d’élection. Comme en 2014, les candidats à la CdC, en mars 2020, étaient « fléchés » parmi les candidats aux élections municipales. Ce mode de désignation, ajouté à l’éloignement physique des citoyens par rapport au lieu de décision, induit un manque de visibilité et de lisibilité des actions communautaires : pour l’essentiel, les habitants ignorent ce qui se joue à la CdC. Ce mode d’élection « communal » déforme également le rôle supposé des élus communautaires : pour l’électeur, ils devront défendre les intérêts municipaux plutôt qu’oeuvrer à l’intérêt insulaire. En outre, très rares sont les programmes de campagne qui intègrent une partie communautaire et les élections se cristallisent autour d’enjeux strictement municipaux. Les citoyens élisent des délégués communautaires à l’aveugle, en toute méconnaissance des projets qu’ils porteront au niveau communautaire.

III) La CdC, un espace très peu ouvert aux citoyens Au-delà des obstacles institutionnels rappelés ci-avant, la CdC n’a pas contribué jusqu’ici à une appropriation citoyenne de ses activités. Si son site internet et son journal semestriel fournissent des informations, aucune consultation régulière des citoyens n’existe. Les réunions publiques se limitent à celles rendues obligatoires par la réglementation de l’urbanisme et des submersions (SCOT, PPRN, PLUi) et elles se résument à de longues présentations techniques qui restent opaques à la grande majorité des citoyens. Seules de rares personnes initiées peuvent y présenter un avis circonstancié.

Le Conseil de développement du Pays de Ré s’était constitué au long des années en force de proposition utile. Mais il a été mis fin à cette structure démocratique après l’application de la loi MAPTAM de 2014 supprimant les Pays. Et le CESER, émanation peu orthodoxe des comités économiques et sociaux supposée prendre la suite de notre Conseil de développement, n’a pas rempli ce rôle, se cantonnant à l’organisation de cafés citoyens dépourvus de débouchés politiques.

  1. IV) Entre CdC et communes, des rapports de force créant un équilibre instable

La CdC se voit confrontée à un défi difficilement surmontable : construire collectivement des projets d’intérêt insulaire tout en respectant les particularités des dix communes membres. Elle constitue un espace de négociations permanentes entre forces convergentes et divergentes. La coopération verse facilement dans le marchandage et la voie est étroite entre mise sous tutelle des communes et passage en force des intérêts communaux.

La récente élaboration du PLUi a montré la difficulté de l’exercice, la co-construction s’effaçant souvent derrière des réunions bilatérales CdC/communes dans lesquelles chaque commune faisait valoir ses besoins spécifiques et cherchait à maximiser son avantage.

  1. V) Et pourtant des solutions existent

Il n’est point besoin d’attendre une élection au suffrage universel pour faire vivre la démocratie citoyenne, créer l’embryon d’une identité intercommunale et assainir la gouvernance de la CdC. A l’heure d’une prochaine mise en place des 28 élus communautaires (dont je ferai partie) qui éliront leur président, voici quelques propositions, déclinées en 3 objectifs et 10 mesures :

Objectif 1 : impliquer les citoyens en continu dans la vie intercommunale

1) Information : insérer une rubrique permanente « Interco » dans les bulletins municipaux afin de sensibiliser les habitants aux questions intercommunales.

2) Concertation : tenir régulièrement des réunions publiques pour recueillir l’avis des habitants sur des thèmes importants avant la prise de décision. On pourra également avoir recours à des plateformes numériques participatives. L’utilisation des recettes de l’écotaxe, les priorités en matière de tourisme, la gestion des déchets et les perspectives de la transition énergétique constituent de bons exemples de thèmes méritant d’être portés au débat citoyen.

3) Consultation : organiser des référendums locaux, s’appuyant si nécessaire sur les communes, pour consulter le public préalablement à l’adoption de projets touchant tous les habitants. Il n’est pas complètement saugrenu par exemple de considérer que la population rétaise aurait pu être consultée avant toute décision du Département et de la CdC sur l’accueil du Tour de France.

4) Participation : expérimenter des comités ou conseils participatifs réunissant acteurs associatifs, citoyens tirés au sort (puis formés) et élus pour élaborer de grands projets. Expérimenter de petits budgets participatifs permettant à des associations ou groupes de citoyens de réaliser des projets intercommunaux de leur propre initiative ; à l’image de ce qui était inscrit dans plusieurs programmes électoraux des dernières municipales.

Objectif 2 : construire une relation équilibrée entre CdC et communes

5) Elaborer, en début de mandat, un pacte de gouvernance définissant les relations entre CdC et communes ainsi que la mutualisation de certains services (un objectif d’efficacité à ne pas oublier). Ce pacte figure à titre non obligatoire dans la loi « Engagement et proximité » adoptée le 27 décembre 2019 mais il serait d’une utilité évidente dans le contexte présenté ci-avant.

6) Tenir régulièrement des conférences des maires. L’un des objectifs de la loi « Engagement et proximité » est de revisiter les relations entre communes et CdC et d’y rehausser le rôle des maires en rendant obligatoires les conférences des maires.

7) Dédier systématiquement un point de l’ordre du jour des conseils municipaux aux questions intercommunales. Avec une double vocation : informer les élus municipaux et recueillir leur avis. La CdC ne doit pas devenir un club de maires.

8) Faire participer les élus municipaux disposant de l’expertise adéquate aux commissions thématiques intercommunales.

Objectif 3 : démocratiser la gouvernance interne de la CdC

9) Donner une place aux élus communautaires non maires dans le choix des priorités politiques et des projets. Le président s’entoure en effet d’une garde rapprochée de vice-présidents par grandes thématiques ainsi que du bureau des 9 autres maires. C’est dans ces cercles concentriques que se prépare la prise de décision des conseils communautaires (en séance plénière). Il n’est pas sain de concentrer ainsi le pouvoir exécutif et technique entre les mains d’un petit nombre d’élus. Le rôle de cette « majorité silencieuse » de 18 élus non maires (et en général non vice-présidents) doit être rehaussé, ils ne peuvent plus rester des élus communautaires de seconde catégorie.

10) Promouvoir un nouveau style de leadership du président de la CdC. Le président de la CdC, contrairement à un maire, n’est pas élu sur un programme mais devra construire celui-ci avec ses pairs. Plus encore que le maire, il se doit donc d’être un animateur de collectif. Sa mission est d’assurer un leadership « de service » en pratiquant la recherche de compromis avec humilité, loin de toute attitude de domination. Il doit également résister à la tentation de jouer du privilège financier de la CdC pour exercer des pressions sur ses collègues maires (« Tu votes ma proposition ou je te coupe les vivres ! »). Une tentation particulièrement forte auprès des petites communes dont l’autonomie d’action est limitée et le besoin de soutien communautaire inévitable.

 

Nos commentaires :

Patrick Salez, dans cet article, analyse très bien comment fonctionne la démocratie dans l’île. Sa compétence et son expérience, lui permettent de faire des propositions tout à fait intéressantes.

Dans ses propositions de gouvernance auxquelles nous souscrivons, il y en a une néanmoins qui nous paraît moins évidente à appliquer : celle du référendum local. Pour que les habitants se prononcent sur un projet, il faut qu’ils soient suffisamment informés de ses conséquences sur le milieu  naturel, sur la qualité de la vie des habitants et sur le coût supporté par la collectivité. Le référendum local pose en général une question simple sur un sujet qui l’est peut-être moins.

Dans l’exemple cité par Patrick Salez de la venue  du Tour de France sur l’île de Ré, la question  aurait été  simple : êtes vous pour ou contre. Nous ne sommes pas sûr que les rétais en répondant par oui ou par non auraient mesuré toutes les conséquences de cette venue.

Les anglais en votant pour le Brexit savaient-ils toutes les conséquences que cela entraînait pour leur pays ?

Le référendum local nous parait un instrument très difficile à utiliser si on veut rester sérieux et honnête.

 Nous croyons plus à la participation telle qu’elle est décrite dans le paragraphe 4 de l’objectif 1.