ENQUÊTE PUBLIQUE SUR LES PPRL DE L’ÎLE DE RE (2)

Patrick Salez nous a fait parvenir un article qu’il a écrit sur les PPRL mis à l’enquête publique actuellement. Nous sommes heureux de le publier sur notre site car il donne des informations qui peuvent intéresser nos lecteurs :

Prévention contre les risques de submersion : enfin l’enquête publique

                                Patrick Salez, 25 août 2017

Le 20 juillet dernier, le Conseil communautaire a refusé par 23 voix et 3 abstentions (La Flotte) le PPRNP de l’Etat. L’étiquette PPRNP (Plan de protection contre les risques naturels prévisibles) recouvre la submersion marine, l’érosion et les incendies de forêts. En ce qui concerne la submersion marine à laquelle nous nous intéressons ici, les termes du conflit entre élus et Etat sont connus: ils portent sur la méthodologie de modélisation permettant d’établir les niveaux d’eau maximaux et les cartes d’aléas des dix communes de l’île. Les élus reprochent à l’Etat d’appliquer à la lettre la circulaire de juillet 2011, établie à la suite de Xynthia, en utilisant des hypothèses de défaillance des digues irréalistes : de trop nombreuses brèches, un principe de ruine généralisée des ouvrages (35% du linéaire côtier), un principe de concomitance selon lequel toutes les brèches seraient ruinées simultanément une heure avant la marée haute. Le PPRL de l’Etat surestimerait les niveaux d’eau, faisant peser des contraintes excessives sur les constructions existantes.

Derrière cette méthodologie, le conflit, qui date maintenant de 3 ans et demi, est devenu idéologique : d’un côté, un Etat qui, responsable de la sécurité des biens et des personnes, se doit d’appliquer strictement les dispositions de la circulaire de juillet 2011 et du guide méthodologique de décembre 2014. Et donc de modéliser de façon maximaliste le caractère faillible de tous les ouvrages de protection; de l’autre côté, des élus qui veulent préserver le droit à construire, en particulier dans les petites communes du nord particulièrement touchées par Xynthia où ce droit est considéré comme vital pour la vie à l’année.  Ils réclament une adaptation de la méthode au contexte spécifique de l’île.

L’idée n’est pas de présenter ici un avis pour l’enquête publique en cours car nous ignorons le contenu précis des PPRNP des autres communes que la nôtre et nous nous imposons une stricte neutralité. Il s’agit plutôt de rappeler quelques arguments à prendre en compte sur un sujet aussi sensible.

1) Le principe de non reproductibilité des évènements. Un argument souvent avancé par la Communauté de communes (CdC) se fonde sur l’expérience de Xynthia : les cartes et les niveaux d’eau ne correspondraient pas  aux « retours d’expérience » ou à la « réalité de l’événement  Xynthia ». L’argument ne tient pas car rien ne dit que la prochaine submersion sera d’intensité équivalente à la précédente. L’évènement Xynthia fournit une référence et non une représentation de la prochaine submersion : une vérité incontournable est que l’eau entrera de toutes parts et en particulier par le Fiers d’Ars non protégé. D’où l’idée d’appliquer le principe de précaution, inscrit dans la Constitution depuis 2004: le risque étant sérieux bien qu’incertain dans son échéance et son intensité,  il faut prendre les mesures qui nous en prémunissent au maximum, tout en considérant que le risque 0 n’existe pas.

2) L’argument du changement climatique : la CdC relativise fortement les effets du changement climatique  et refuse la prise en compte de la référence Xynthia+60 cm à l’horizon 2100, pourtant nécessaire pour définir les prescriptions de constructibilité. Or les climatologues nous rappellent (et Jean Jouzel dernièrement dans le jdd) trois constats: l’élévation de l’océan d’ici 2100 sera plutôt de 60cm à 1 mètre (la circulaire est donc minimaliste de ce point de vue), l’élévation va s’accélérer dans les prochaines décennies, la fréquence des tempêtes s’accroît. Soyons réalistes, sur l’ensemble du littoral comme localement, l’impact actuel et prévisible du changement climatique nous oblige à reconsidérer urgemment notre rapport à la nature et à l’urbanisation : il faut rendre le territoire le moins vulnérable possible.

3) Le faux argument de la vie à l’année dans les deux petites communes de l’extrême nord. L’argument selon lequel un PPRNP sévère pour la construction serait responsable du dépérissement de ces communes est fallacieux. Celles-ci se vident de leur population active depuis une vingtaine d’années, principalement du fait de leur inaccessibilité (temps nécessaire pour atteindre La Rochelle). Les Portes, par exemple, n’ont pas attendu le PPRNP pour avoir 80% de résidents secondaires et trois fois plus de décès que de naissances. Il est évident en revanche que l’interdiction des divisions de terrains et de constructions nouvelles du PPRNP « ajoutera une couche » à la régression de la population à l’année.

4) L’attitude conciliante de l’Etat qui a fait preuve de souplesse à 2 niveaux : Tout d’abord en assouplissant les règles de constructibilité et de pratique des activités économiques nécessitant la proximité de l’eau: extension des périmètres des centres-bourgs, verticalité (surélévations de zones refuges, rehaussement des planchers) ; possibilités d’installations nouvelles, d’extensions et de surélévations des exploitations conchylicoles dans les bandes de précaution et en zone d’aléa fort. C’est sur ces prescriptions et elles seules qu’auraient dû porter les négociations car elles sont susceptibles de réduire les contraintes sur les propriétaires de terrains, tout en restant conformes à la circulaire. Ensuite en reconnaissant le caractère évolutif des PPRNP qui seront adaptés régulièrement aux nouveaux ouvrages du PAPI : révision des PPRNP dans les 6 mois suivant la réception de l’ouvrage.

5) L’argument de la stratégie d’aménagement de l’île. Nous avons perdu trois ans et demi dans un bras de fer vain et coûteux entre élus et Etat. Sachant que l’Etat a le maître mot sur le PPRNP et qu’il ne peut s’écarter de la circulaire. Ce qui est en jeu est l’intérêt général (protection de la population et de l’intégrité du territoire) contre les intérêts particuliers des propriétaires de terrains. Il est malheureusement évident que le PPRNP impose à ces propriétaires des contraintes sévères mais il est également évident que l’Etat privilégiera toujours l’intérêt général et la sécurité. La Cour des comptes lui a suffisamment reproché son laxisme en matière de prévention comme en matière de réparation de Xynthia. Notons enfin que le PLUi a été gelé jusqu’à début 2018, pour une raison légale (le PPRNP s’impose au PLUi) mais également technique (l’impossibilité de déterminer le « reste à construire » tant que les dix PPRNP ne sont pas approuvés). L’enquête publique de Loix étant repoussée à l’automne, la réponse de l’Etat n’interviendra pas avant la fin 2017, ce qui vient bouleverser le calendrier du PLUi et retarde d’autant des projets essentiels pour l’île.

Note : Les plans de prévention des risques littoraux (PPRL) sont devenus des PPRN, plans de prévention des risques naturels incluant les risques d’érosion littorale et d’incendie de forêt.

L’Etat parle maintenant de PPRNP : Plan de Prévention des Risques Naturels Prévisibles. Il est évident que l’on ne peut traiter dans ces PPRN que les risques prévisibles. A quand la dernière écriture de ces PPR ?